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HYDRAVION
AU QUEBEC
Avec Jean François, un ami pilote de longue date, on y pense depuis
bien longtemps : faire notre qualification hydravion au pays des lacs et des forêts
dérable à 7 heures davion de Paris, de Bordeaux ou de Toulouse. Cette année
on sest enfin lancé. Après une recherche approfondie sur Internet des offres de
location des principales écoles du Québec, une semaine a été bloquée mi-septembre
dans lespoir dune météo clémente dun début dautomne, saison
haute en couleur dans la région de Montréal.
Aux dires de ceux qui le pratique, voler sur hydravion devient
vite une passion pour celui qui en maîtrise la technique. Lhydravion au décollage
se pilote aux « fesses » et rien quaux « fesses ». Alors que
rien ne ressemble plus à un décollage dune piste en dur, dun décollage
dune autre piste en dur, les conditions sur les lacs et rivières varient sans
cesse. Il faut aussi tenir compte de lextrême sensibilité au vent de travers de la
circulation sur leau, faute de frottement suffisant. Aujourdhui après une
quarantaine de décollages dont les premiers furent laborieux, je ne me lasse pas de cette
sensation unique que procure la navigation pleine puissance sur le redan et le décollage
travaillé au millimètre sur le manche.
Pour obtenir la licence hydravion canadienne (lannotation
sur flotteurs), il faut avoir complété 7 heures de vol dentraînement en double
commande et5 décollages et amerrissages en
solo. Les vols dentraînement comprennent les exercices suivants :
-Déplacement sur plan deau,
-Manuvres sur leau par vent calme et vent fort,
-Accostage,
-Décollages et amerrissages.
La validation de la licence française est une simple formalité à
effectuer au bureau de Transport Canada sur présentation de la licence française valide,
du certificat médical et du passeport.
Notre arrivée à laéroport international de Mirabel
sest effectuée dimanche matin par un temps couvert et pluvieux par endroits.
Rajouté à la fatigue du voyage, la prise de contact était plutôt décourageante. Mais
le pays est connu pour ses changements rapides du temps. Dès le lendemain le Québec
sest montré à nous sous son meilleur jour.
Cest donc par une belle journée de fin dété que
nous nous présentons à Cargair sur laérodrome de St Mathieu de Beleuil pour les
formalités, le lâché sur C172 terrestre et notre premier vol sur C172 à flotteur.
Laccueil y fut sympathique et professionnel. La journée fut vite remplie.
Dabord les formalités pour obtenir la licence canadienne sans laquelle aucun solo
nest possible. Le bureau le plus proche de Transport Canada se trouve sur
laéroport de St Hubert à quelques minutes de voiture. Ensuite les choses
sérieuses commencèrent.
Pendant que lun découvre la campagne québécoise par
les airs, note les points de report du terrain et les points remarquables comme les îles
St Marc et les monts St Hilaire, Ste Hyacinthe, St Claude, (les cartes routières
dici ressemblent par certains cotés à notre calendrier des PTT), lautre
mouille sa chemise sur le fleuve Richelieu à vouloir dompter ce satané C172C-GQVS sur « flotte » comme ils
disent. Heureusement que Jean, notre instructeur, est un monument de patience et que le
vent est bien orienté dans le lit du fleuve. Les premiers décollages sont plutôt
« scotchés ». Manche en avant çà freine, manche en arrière çà refreine.
Pour grimper sur le redan, facile, cest manche plein arrière et on attend que la
vague soit à mi-flotteur. Puis manche en avant pour trouver au millimètre le point de
traînée minimale sur le redan. Vous qui pilotez Cessna, croyez moi vous ne savez pas ce
que cela veut dire, piloter un Cessna au millimètre. Et pourtant au fil des heures et
après le premier « sétait mieux » de linstructeur, on arrive à
se convaincre quavec encore un peu dentraînement on arrivera à décoller ce
Cessna comme un Robin avec 2 doigts comme sur un billard.
Latterrissage dans le vent est plus facile de prime
abord. Lessentiel de la difficulté étant lappréciation de la hauteur à
larrondi comme en vol de nuit. A défaut dêtre comme il faut, il vaut mieux
arrondir trop haut que denfourcher les flotteurs dans leau. Dans ce cas le
pylône est assuré. Ce qui donne loccasion à Jean de mexpliquer quen
cas de retournement dans leau surtout ne pas paniquer et garder la ceinture de
sécurité attachée. Avant de tenter de sortir de la carlingue, il faut avoir recouvré
toutes ses facultés de perception spatiale. Certains compte rendus daccident font
état de corps retrouvés au fond de la carlingue cherchant une porte introuvable suite à
leur désorientation dans la carlingue retournée.
La seconde particularité de latterrissage est quil
devient très dangereux par vent faible ou nul. Cest latterrissage par eau
miroitante. Leau est parfaitement calme, le paysage et lavion sy
miroitent et créent lillusion dune altitude double de ce quelle est
réellement. Croire à ses sensations dans ce cas conduit immanquablement au pylône. La
technique datterrissage utilisée pour se poser sur une eau miroitante est un posé
aux grands angles à faible taux de descente (pas plus de 200 ft par minute). Pour moi
pilote terrestre jy ai découvert en toute sécurité, le vol à la limite du
décrochage, avion accroché au moteur pour réguler le taux de descente jusquà
limpact avec leau. Jusquà présent, même en montagne pour un posé
court, jévitais soigneusement de voler au son de lavertisseur de décrochage
en finale. En hydravion cette technique devient lultime recours pour un amerrissage
par vent nul.
Il ne faudrait pas pour autant penser que tout devient simple
sil y a du vent. Au-delà de 10 kT lamerrissage est réputé difficile,
au-delà de 15 très difficile. La difficulté provient essentiellement de la circulation
sur leau. Le peu de frottement avec leau amplifie considérablement
leffet girouette. Manuvrer sur leau par vent fort devient une gageure,
accoster un art.
Lautre particularité de la circulation sur leau
est la circulation à grande vitesse sur le redan. Lappareil se manuvre comme
un aéroglisseur. Les virages sont amples et dérapés. Attention au risque de chavirement
lorsque le vent est plein travers. La réduction de puissance produit larrêt quasi
instantané.
Après cette première journée passée à explorer les
méandres et divers réservoirs du Richelieu jusquà la frontière américaine, la
seconde sera lexploration des lacs autour de St Michel des Saints comme le lac
Taureau au Nord de Montréal. Cest dans ces conditions quon entrevoit et
quon commence à apprécier toutes les possibilités de lhydravion en brousse.
Au-delà de 800 m de long, tous les plans deau peuvent être utilisés en
sécurité. Quasiment tous les lacs à proximité dun village possèdent un ponton
daccostage voir une hydrobase. De même que de nombreux hôtels appelés
pourvoiries. Le C172 sur « flotte » étant un biplace, la journée de mardi se
passa alternativement en voiture ou en avion et vis versa pour chacun de nous deux.
Lauberge du lac Taureau est à recommander. En pleine nature cette pourvoirie
propose plusieurs dizaines de chambres confortables et un service et un menu de qualité
pour un prix modique.
Pour la troisième journée, Jean nous propose de
faire des exercices sur les bras deau près de la ville de Sorel à la jonction du
Richelieu avec le St Laurent. Décollage de lhydrobase de St Mathias au petit matin
sous un soleil encore timide mais qui promet une journée radieuse. Le cheminement sur le
St Laurent se fait comme à laccoutumé par sauts de puce pour des exercices de
décollage/amerrissage et pannes moteur. Les exercices de panne moteur sont relativement
faciles lorsque le plan deau sous laile est de taille importante comme
cest le cas. Ici pas darbre, pas de pylône, pas de poteau électrique, pas de
fossé ou autre clôture en courte finale. Seule la direction du vent importe et la
position des bateaux et autres bouées sur le plan deau qui sont facilement
repérable den haut.
En arrivant sur la région de Sorel, nous voyons de loin une
belle rentrée maritime qui couvre lhorizon. De plus près nous constatons que les
stratus ont le bon goût de couvrir principalement la terre ferme en laissant les bras du
fleuve relativement dégagés. Commencent alors les exercices damerrissage standard
avec 20 et 30° de volet, lamerrissage par vent de travers et lamerrissage sur
eau miroitante sans arrondi. Le retour est comme à laller en sauts de puce sur le
Richelieu.
Puis cest le lâcher tant attendu. Il en sera de même
dans la soirée pour Jean François après quil ait eu droit au même programme à
Sorel. Seul à bord avec juste une heure de carburant, le décollage est infiniment plus
facile quavec 2 personnes à bord et 3 heures de carburant. Le décollage devient un
vrai plaisir. Le Cessna réagit aux moindres poussées sur le volant et ne demande
quà sarracher de lécume. Dans ces conditions les 5 vols solos se font
en toute sérénité. La seule difficulté à gérer étant la possible proximité des
bateaux qui partagent le même espace sur le plan deau, voire même certains qui en
profitent pour une petite course de défi. Ici la vigilance simpose autant sur
leau quen lair.
Le quatrième jour est un jour pluvieux. Nous en profitons pour
visiter Québec en voiture. En 1672, le gouverneur Frontenac écrivit à Colbert à
propos de la ville de Québec : « Rien ne ma paru si beau et si
magnifique que la situation de Québec ». Québec est une ville magnifique comme le
sont toutes les villes historiques européennes. Ici on se laisse très vite prendre par
son charme séculaire, son atmosphère chaleureuse et bon enfant. Cest la ville à
ne surtout pas rater lors de votre visite. Les Québécois ont ce quelque chose
dindéfinissable, de généreux que lon ressent profondément à chaque
instant du séjour. Derrière leur opiniâtreté à défendre la langue française se
cache un peuple fier de ses racines et de son identité unique au monde quil faut
préserver envers et contre tout. Mais sachez aussi que Québec est la capitale du homard.
On y mange en toute saison le meilleur homard du monde, nest ce pas Jean
François ?
Le cinquième jour
cest léquinoxe dautomne. La matinée est fraîche mais le soleil est
revenu sur la région de Montréal et des Laurentides. Nous avions prévu de faire un
voyage en Cessna terrestre au-dessus des Laurentides. Le C172 de la flotte de Cargair
étant occupé une partie de la journée, nous empruntons un C152, un des avions école.
La ballade est simple, cap au Nord jusquà La Tuque, dernière base vie doù
partent avions et hydravions pour ravitailler les camps de brousse du grand Nord. Nous
cheminons daérodrome en hydrobase de part et dautre de la route directe tant
pour le coup dil que par soucis de sécurité en cas dincident
technique. Lac à la Tortue est notre première escale après une heure de vol. Le terrain
jouxte une hydrobase que nous comptions visiter. Une heure plus tard après le survol de
Lac à Beauce une autre hydrobase, nous atterrissons à La Tuque, petite ville
industrielle des Laurentides. Ici cest le bout du chemin vers le Nord. Au-delà les
routes sont difficiles à entretenir et inhospitalières. Ici commence le royaume des 4*4,
de la moto-neige et de laviation de brousse. Après avoir fait les pleins de
lavion,nous descendons dans
lunique restaurant de la ville. Un fast-food, pardon un restaurant rapide. Puis
cest le retour par le sud ouest au-dessus de lacs à perte de vue
jusquaux grattes-ciel du centre de Montréal.
Le retour sur St Mathieu de Beleuil nous fait survoler à
nouveau le Richelieu et les différents lacs ou nous nous sommes posés en début de
semaine. Cest aussi la fin du séjour après une semaine bien remplie. 2
qualifications hydravion canadiennes, 15 heures dhydravion, 5 heures davion et
1500 Km de plus au compteur de la voiture de location. Cest heureux et comblés que
nous reprenons le lendemain la ligne pour la France.
Un grand merci à toute léquipe de Cargair, en
particulier à Richard, Jean et Roger, pour votre professionnalisme, votre patience et
votre bonne humeur. Cest promis nous reviendrons.
Voici quelques adresses utiles pour préparer votre
séjour :